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Stéphane Bern , Mis à jour le
Article réservé aux abonnésCÔTÉ COURS. Marie-Antoinette d’Autriche continue de fasciner les cinéastes du monde entier. La preuve avec ce nouveau film signé Gianluca Jodice, «Le Déluge», qui sortira le 25décembre 2024.
Alors que sort sur nos écrans le film très réussi de Gianluca Jodice, «Le Déluge» avec Guillaume Canet et Mélanie Laurentsur l’emprisonnement du roi Louis XVI et de la reine Marie-Antoinette à la prison du Temple, l’infortunée souveraine fait un retour triomphal dans l’univers des arts à travers une imposante exposition qui se prépare à Londres dans le prestigieux Victoria and Albert Museum pour septembre2025.
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Dans le sillage du film de Sofia Coppola qui explorait déjà le destin tragique de cette première reine «people», reine du style et de la mode, le musée londonien associera des archives historiques à des pièces de couture inspirées de la dernière reine de France. L’objectif de la commissaireSarah Grantest non seulement de révéler l’influence de cette figure sur les créateurs d’aujourd’hui, mais aussi remettre en cause certains des mythes qui l’entourent, notamment celui selon lequel elle aurait ruiné la France – la légende de «Madame Déficit» a la vie dure! – et dédaigné les Français affamés par la disette en leur disant de manger de la brioche…
«Nous avons évolué avec une version fausse de l’histoire. Elle a été colportée en ligne et dans les films et présente Marie-Antoinette comme une femme glamour, ignorante et irréfléchie: une personne déconnectée de la réalité et indifférente à la pauvreté qui l’entoure» regrette l’historienneMadeleine Pelling, soulignant que la reine est source de fantasmes. «Dans la France du XVIIIesiècle, l’apparence est primordiale. Dès qu’elle a franchi la frontière entre son Autriche natale et la France, elle a été dépouillée de ses vêtements autrichiens et habillée comme une Française. Les gens l’ont ‘habillé’, dès le début, comme la personne qu’ils voulaient qu’elle soit».
Un autre regard sur la reine
On peut ainsi penser que Marie-Antoinette a été instrumentalisée, notamment par les artisans de la Révolution française qui se sont saisis de la figure dela reine tant décriéepour faire avancer leurs idées et l’ont caricaturé comme une figure aux mœurs douteuses: «Les détracteurs de la monarchie l’accusaient de liaisons multiples, de pédophilie sur son fils, d’espionnage et même de bestialité» explique l’historien de la royautéGareth Russell, qui travaille à un livre sur la chute de la monarchie française. «Ils ont tenté d’attaquer et de saper la monarchie en présentant la reine comme la représentante d’une sexualité débridée… Ceux qui voulaient justifier la Révolution dans les décennies suivantes devaient rendre compréhensibles les raisons de son exécution».
Loin de ces clichés qui perdurent dans l’imaginaire collectif, l’exposition au V & A Muséum de Londres vise à offrir un autre regard sur la reine. Selon la commissaire de l’exposition, ce que l’on y découvrira bouleversera toutes les opinions que nous avons depuis longtemps, loin de ce symbole d’excès et de frivolité, «cliché basé sur la mythologie qui est répété à l’envi», explique Sarah Grant, conservatrice au V & A. «Cette idée qu’elle a mis la France en faillite et qu’elle est responsable de la Révolution française, ce qui n’est évidemment pas le cas». Ce n’est pas un hasard si c’est du côté britannique qu’on peut s’attendre à une certaine réhabilitation de la souveraine car, toujours selon Sarah Grant, «elle est mieux perçue par les Britanniques que par les Français.
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Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris, en juillet dernier, qui mettait en scène une version macabre de la reine, serrant dans ses mains sa propre tête tranchée…!». L’exposition «Marie Antoinette Style», qui sera présentée du 20septembre 2025 au 22mars 2026, plongera aussi dans l’anglophilie de la reine. On dit qu’elle envoyait régulièrement ses courtisans en Grande-Bretagne pour obtenir des rapports sur les dernières modes, et qu’elle a lancé un engouement pour les vêtements, les imprimés, les livres et les jardins anglais. Elle aurait également popularisé la robe à l’anglaise: une robe inspirée de la mode anglaise avec une veste courte, des revers larges et des manches longues.
L’exposition s’attachera à montrer également l’influence de Marie-Antoinette sur la culture populaire et le style. Ses vêtements ont eu un impact durable sur le design et la mode et, en 2006, le célèbre hommage de Sofia Coppola avec Kirsten Dunst a remporté un Oscar pour la conception des costumes. Aujourd’hui encore, plus de 230ans après son exécution, Marie-Antoinette figure régulièrement sur les planches d’inspiration des créateurs pour son amour des pastels, des rubans et des fleurs. Les collections passées de Jean Paul Gaultier, Dior et Vivienne Westwood doivent toutes plus qu’un soupçon d’inspiration à la reine de la mode française qui avait lancé un style grâce à sa modiste Rose Bertin et son coiffeur Léonard. Et ce n’est pas un hasard si Manolo Blahnik, l’un des nombreux créateurs à s’être inspiré de Marie-Antoinette au fil des ans, parraine l’exposition du V & A.
«La notoriété lui confère une partie de son attrait», explique Sarah Grant. «Elle est vraiment la première icône de la mode moderne et sans doute la reine la plus en vogue de l’histoire». À Londres, les Français qui feront le déplacement pour visiter l’exposition découvriront une femme à la sensibilité artistique qui «s’intéressait à la décoration ainsi qu’à la mode, qui aimait jouer d’un instrument et s’était commandé un piano. Ce n’était pas non plus une consommatrice insouciante. C’était une mécène, qui défendait des artistes et des créateurs. Et elle ne se contentait pas de suivre les tendances et les modes du XVIIIesiècle: elle en était le moteur». De fait, ce qu’on appelle le «style Louis XVI» doit tout à son épouse!